Histoire Des Libertines (67) : Femmes Libres D’Hollywood : 4) Marlène Dietrich, Ange Ou Scandaleuse ?

Actrice et chanteuse, née allemande et devenue américaine, Marie Magdalene Dietrich (1901-1992), se fera appeler Marlène Dietrich. Incarnation de la femme fatale, elle reste célèbre tant par sa carrière, sa classe que par son engagement contre le nazisme.

Surnommée « L'Ange bleu » ou « La Vénus blonde », Marlène Dietrich marque aussi son époque par son style et son élégance au cours de ses apparitions publiques, s'habillant chez les grands couturiers, français comme Hermès, Dior, Chanel.

UNE REBELLE ATTIREE PAR LA MUSIQUE

Marie Magdalene Dietrich naît à Schöneberg, aujourd'hui un quartier de Berlin. Son père Louis est lieutenant de la police impériale prussienne. Sa mère est issue d’une riche famille d'horlogers.

Le couple donne à leurs deux filles une éducation très stricte, entièrement basée sur la discipline. Celles-ci prennent notamment des cours de maintien ainsi que des leçons de français et d'anglais, qui s’avéreront très utiles à Marlène dans sa carrière et dans ses amours.

Alors que sa sœur aînée est une obéissante, Marie Magdalene est plus dissipée. C'est dans cette perspective qu'elle contracte ses deux premiers prénoms en Marlène. Elle perd son père en 1908, probablement emporté par la syphilis.

Sa mère Wilhelmina se remarie en 1916 avec le meilleur ami de son défunt mari, Eduard von Losch, capitaine de cavalerie, qui meurt sur le front de l'Est en juillet 1917, lors de la Première Guerre mondiale, sans avoir eu le temps d'adopter officiellement ses deux belles-filles.

Diplômée de l’école Victoria-Luise (actuel lycée Goethe), Marlène cultive parallèlement ses dons pour la musique et le chant. En 1918, elle s'inscrit à l'École supérieure de musique Franz-Liszt de Weimar et prend des cours privés de violon avec le professeur suisse Robert Reitz, qui devient son premier amant. Elle envisage alors une carrière de violoniste de concert. Son premier emploi est celui de violoniste dans un orchestre qui accompagne la projection de films muets dans un cinéma de Berlin.



Comme l’écrit Pierre Lunel (voir la bibliographie à la fin du texte) : « Marlène est trop gracieuse, avec le regard trop bleu, trop envoûtant, ses jambes sont trop fuselées, sa taille trop fine pour qu’elle se consacre au violon. »

SES DEBUTS ET UN BREF MARIAGE

Marlène Dietrich prend ses premiers cours de théâtre auprès de Max Reinhardt en 1921.

C’est à cette époque que remonterait la première relation homosexuelle de Marlène, avec la journaliste Gerda Huber.

En 1922, elle joue ses premiers petits rôles au théâtre et obtient aussi des rôles mineurs au cinéma. Son premier rôle connu est Lucy dans Tragédie de l'amour de Joe May.

Elle se marie le 17 mai 1923 avec le régisseur Rudolf Sieber et donne naissance à une fille Maria Elisabeth, le 13 décembre 1924. Elle n'aura pas d'autres s, vivra peu avec son mari, ne se remariera jamais (bien qu'un mariage avec Jean Gabin semble avoir été, plus tard, sérieusement envisagé). Et d’ailleurs, jusque la mort de Rudolf en 1976, ils ne divorceront jamais et resteront complices ! Pierre Lunel écrit que, dans le Berlin « décadent » des années folles, Rudi et Marlène « chassent chacun de leur côté », les femmes pour Rudi, les hommes et les femmes pour Marlène. Et c’est à cette époque, c’est plutôt les femmes pour Marlène la bisexuelle. Marlène connait en particulier une romance avec l’actrice française Margo Lion (1899-1989)

Marlène Dietrich enregistre à la fin des années 1920 ses premières chansons, et les chante dans la revue « Es liegt in der Luft » (« C'est dans l'air », 1928), où elle se fait remarquer par le metteur en scène Josef Von Sternberg.


L’ANGE BLEU ET LA NAISSANCE DU MYTHE

C’est « L'Ange bleu », tourné par Von Sternberg en 1930 et notamment le rôle de « Lola Lola », avec la chanson « Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt » (« Je suis faite pour l'amour de la tête aux pieds »), qui lui apportent la gloire.
Tourné dans les studios de l’UFA, il s’agit du premier film parlant du cinéma allemand. Von Sternberg, qui entrevoit le potentiel de la jeune actrice, la recommande au studio américain Paramount, dont le bureau berlinois cherchait une actrice pour concurrencer Greta Garbo (dont nous parlerons également dans cette série de textes) lancée par la Metro-Goldwyn-Mayer.

Le soir de la première, le 1er avril 1930 au Gloria Palast, en long manteau de fourrure blanche, une gerbe de roses dans les bras, Marlène arbore sur sa robe un bouquet de violettes épinglé au niveau du pubis ! À 23 heures, elle prend le train à la gare de Lehrter vers le port de Bremerhaven, d'où elle embarque pour New York. D'une actrice encore inconnue hors d'Allemagne, Sternberg va façonner un mythe.

Dès son arrivée en Amérique, Marlène interprète à nouveau une chanteuse de cabaret dans « Morocco », aux côtés de Gary Cooper. Ce film sera le premier des six longs métrages que tourneront ensemble Sternberg et Dietrich aux États-Unis, le film vaut à Marlène une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice en 1931 et lui confère une notoriété internationale.

Avec son Pygmalion, qui est aussi son amant, elle enchaîne ainsi « avec Agent X 27 » (1931), Shanghaï Express (1932), véritable succès du box-office; puis viennent « Blonde Vénus » en 1932 et « L'Impératrice rouge » en 1934, délire baroque qui sert davantage la gloire de Marlène que celle de Catherine II de Russie qu'elle interprète, et qui, malgré un échec financier, deviendra avec le temps un chef-d'œuvre reconnu. Qui cependant, mieux que Dietrich, qui collectionnait les amants, pouvait interpréter la voluptueuse Catherine II ?

FEMME FATALE ET AMBIGUE

La fascination pour Dietrich ne fait que commencer, autour d’un personnage de femme fatale, qu'elle va entretenir tout au long de sa vie, tout en jouant sur une certaine ambiguïté sexuelle. Elle apparaît régulièrement en habits masculins et exerce son charme autant sur les hommes que sur les femmes.


Sternberg dira de Dietrich : « Avec son profond regard mélancolique, ses cils longs de trois centimètres, le nimbe doux de ses cheveux, ses traits classiques, son air mystique et son corps de panthère, elle n'aurait pas pu entrer dans une église sans aussitôt troubler le sermon. »

Sydney W. Carroll écrit à son sujet en 1933 dans le Times : « Il est exact que cette actrice a fait de la vamp la reine des écrans, il est exact qu'elle incarne la féminité, il est exact que le sex-appeal n'a jamais de représentante plus brillante, plus attirante, plus persuasive qu'elle. »


UNE VIE PRIVEE TUMULTUEUSE : UN MARI, DES DIZAINES D’AMANTS ET DES MAITRESSES

Comme nous l’avons vu, Marlène n'a eu qu'un seul mari, le réalisateur Rudolf Sieber, qu'elle a épousé durant les années 1920. Elle a très rapidement commencé à avoir de nombreux amants et même quelques maîtresses. Des relations extraconjugales qu'elle ne cachait en aucun cas à son mari, puisqu'elle lui montrait même les lettres d'amour envoyées par ses amants !

Si ses amants hollywoodiens, de Gary Cooper à Yul Brunner en passant par James Stewart ou John Wayne, n'ont été que des aventures fugaces, trois hommes ont marqué plus que d'autres la vie sentimentale tumultueuse de « l'ange bleu » : le metteur en scène juif viennois Josef Von Sternberg, l'écrivain pacifiste allemand Erich Maria Remarque (1898-1970) et l’acteur français Jean Gabin, le ténébreux militaire français de « Gueule d'amour »

Marlène Dietrich ne se laissait en effet pas séduire par n'importe qui et ses amants étaient tout aussi prestigieux qu'elle.

La liste des amants qu’a eus Marlène ou qu’on lui prête est longue.

Marlène Dietrich aurait ainsi partagé ses draps entre autres avec le très séducteur Gary Cooper (1901-1961), le faussement timide James Stewart (1908-1997), l'écrivain pacifiste Erich Maria Remarque, le macho John Wayne (1907-1979), l’acteur Douglas Fairbanks Jr (1909-2000), le très français Jean Gabin (nous en reparlerons plus longuement) , sa plus belle histoire d'amour entre 1941 et 1946 et sa rupture la plus déchirante, le bondissant Errol Flynn (1909-1959) , le chauve et cultivé Yul Brynner (1920-1985), le futur président John Kennedy, de 16 ans de moins qu'elle et qui succéda dans ses bras à son père Joe, le très obsédé Frank Sinatra, et, sous réserves de l'intéressé qui le nie, son accompagnateur et futur génial compositeur Burt Bacharach.


Il y en eut d’autres encore, comme, dans les années 30, le chanteur Maurice Chevalier (1888-1972), l’acteur britannique Brian Aherne (1902-1986), le champion de tennis Fred Perry (1909-1995). Il y aurait aussi les acteurs Clark Gable (1901-1960) et John Gilbert (1897-1936), qui meurt dans ses bras. On a cité également dans cette longue liste le sculpteur Alberto Giacometti (1901-1966) ou encore l’acteur autrichien Hans Jaray (1906-1990).

L’actrice sulfureuse n'a pas connu des histoires d'amour qu'avec des hommes, mais aussi, en tant que bisexuelle, partagé des aventures saphiques. Parmi les noms les plus connus, on mentionnera la capiteuse actrice mexicaine Dolores Del Rio (1905-1983), ou bien encore celle qui fût pourtant sa grande rivale sur le plan professionnel, Greta Garbo, dont elle a d’ailleurs séduit la maitresse, la poétesse espagnole Mercedes de Acosta (1893-1968).

Nous parlerons plus loin de sa liaison saphique avec « Frede », directrice de cabaret à Paris. On a même évoqué parmi ses amantes la chanteuse Edith Piaf, (1915-1963), dont elle fût le témoin au mariage de la chanteuse en 1952 avec le compositeur Jacques Pills.

Revenons sur quelques unes des plus marquantes liaisons de Dietrich.

Après sa rupture professionnelle et personnelle avec Sternberg en 1935 et le relatif échec de plusieurs films, elle choisit alors de s'éloigner des studios et entame lors d’un séjour à Venise une liaison avec l'écrivain pacifiste Erich Maria Remarque, l’auteur du célèbre roman « A l’ouest, rien de nouveau ».

En 1937, séjournant au Cap d'Antibes, elle entretient une liaison discrète avec Joseph Kennedy, ambassadeur des États-Unis à Londres, dont nous avons déjà parlé au sujet de sa liaison avec Gloria Swanson. Marlène accordera également ses faveurs au fils de l’ambassadeur, le jeune John Fitzgerald, le futur Président !

C'est à cette époque également qu'elle entretient une liaison saphique avec Suzanne Baulé dite Frede (1914-1976), une entraîneuse puis animatrice de cabaret, qu'elle rencontre en 1936 au Monocle, une boîte de nuit féminine, située boulevard Edgar-Quinet, à Paris. « Frede », divinement androgyne dans son frac, est une lesbienne affichée, qui porte le costume masculin. Elle fut la première à autoriser des femmes à danser ensemble dans un cabaret classique. Elle est connue notamment pour ses liaisons avec les actrices Zina Rachewsky, Lana Marconi et Maria Félix.

La liaison entre Dietrich et « Fred » durera jusque la guerre. Avec l'appui de Marlène Dietrich, Frede quitte Le Monocle et ouvre en décembre 1938, au 58, rue Notre-Dame-de-Lorette, près de Pigalle, son propre cabaret féminin, appelé La Silhouette, en hommage à l'un des plus célèbres cabarets pour femmes de Berlin, qu'affectionnait Marlène Dietrich. Frede et Marlène resteront amies jusque dans les années 70.

UNE FEMME ENGAGEE

A partir de 1939, sa carrière au cinéma connait un second souffle. Elle continue à tourner avec les plus grands réalisateurs, dans divers genres de films : la comédie avec Ernst Lubitsch (Angel, 1937), René Clair (La Belle Ensorceleuse, 1941) ou Billy Wilder (La Scandaleuse de Berlin, 1948), le western avec George Marshall (Femme ou Démon, 1939) ou Fritz Lang (L'Ange des maudits, 1952), le film policier avec Alfred Hitchcock (Le Grand Alibi, 1950), Billy Wilder (Témoin à charge, 1957) ou Orson Welles (La Soif du mal, 1959).

Le ministre nazi de la propagande, Joseph Goebbels s’étrangle de rage en constatant que la plus célèbre femme allemande de son temps refuse obstinément ses offres mirobolantes. « Marlène Dietrich est une actrice allemande qui se complaît en Amérique dans des rôles de prostituée, dit-il. Elle est ainsi connue dans le monde entier où elle donne ainsi une fausse idée de l’Allemagne. » Mais Marlène demeure inflexible. Goebbels a beau lui proposer un pont d’or pour rentrer au pays, c’est « Nein » !

Résolument opposée au régime nazi, Marlène Dietrich rompt peu à peu les liens qui l'attachent à l'Allemagne. Devenue citoyenne américaine en juin 1939, elle met, comme de nombreuses vedettes de l'époque, sa célébrité au service de l'effort de guerre américain après décembre 1941. Elle entreprend des tournées à travers les États-Unis et, plus qu’aucune autre, récolte de l’argent pour l’État américain.

Dietrich pousse plus loin son engagement, en intégrant « l'United Service Organization » (USO). A partir de 1944, elle va en plus sur le théâtre des opérations: après avoir atterri, en avril 1944, en Afrique du Nord, Marlène suit la ligne de front en Europe. Elle chante pour les troupes américaines et britanniques stationnées au Royaume-Uni, avant d'accompagner la 3e armée américaine du général Patton en Italie, en France puis en Allemagne et en Tchécoslovaquie.

C’est là que se forgera le mythe. Elle arrive en uniforme mais chante dans des robes à paillettes moulantes, « car les soldats préfèrent ça », juchée sur des tréteaux de camion ou des caisses de munition. Elle est belle, audacieuse, renversante. Elle partage le quotidien des troupes, se dit « émue par le courage qu’il faut pour se battre sur une terre qui n’est pas la sienne ». Elle n’a sans doute jamais été aussi elle-même que dans ce contexte chaotique. Pierre Lunel écrit : « Le plus beau cadeau qu’elle puisse faire à ces soldats et officiers qui risquent la mort, c’est elle-même. Alors elle se donne, sans ménagement, avec tendresse, à beaucoup d’entre eux. Qu’ils soient simples boys ou généraux, peu importe. Elle passe d’un lit anonyme à celui de Patton ou de Bradley. (…) Elle parvient même à rendre fou amoureux le général James Gavin (1907-1990). »

Elle donne environ soixante-huit représentations devant cent cinquante mille soldats. Elle réussit l'exploit de faire changer de camp à la chanson « Lili Marlen », populaire auprès des soldats allemands et qui devient la mascotte des soldats américains. En juin 1944, elle rentre aux États-Unis. De septembre 1944 à juillet 1945, elle reprend ses tournées et se rend en Angleterre, en France et en Allemagne.

Marlène obtiendra en 1947 la Medal of Freedom, plus haute distinction militaire américaine que peut recevoir un civil. Le général Patton disait d'elle qu'elle valait une division ! En 1951 Marlène reçoit, en France, la Légion d'Honneur.

SON GRAND AMOUR : JEAN GABIN

Il s’agissait d’un amour impossible. Séductrice androgyne ou femme fatale, en smoking d’homme ou robe en strass, Marlène symbolisait l’éternel féminin ; Gabin était quant à lui le mâle incarné. Elle était tendre et joyeuse, il était bourru et solitaire ; elle était allemande, lui, français, en ces temps tumultueux où leurs nations s’affrontaient ; ils étaient tous les deux beaux, rétifs, et stars, surtout elle. Marlène Dietrich et Jean Gabin (1904-1976) n’étaient pas faits pour s’entendre. Ils se ressemblaient, mais tout les opposait. Ils se sont aimés éperdument, surtout elle.

La « Prussienne » et le Français ont pourtant des choses en commun.

Tous deux sont des exilés haïssant la dictature hitlérienne. Marlène, que Goebbels rêvait d'enrôler dans la propagande nazie, se démène pour aider ses compatriotes fuyant l'Europe. Gabin, l'apolitique à la gouaille populaire, a lui aussi refusé de céder aux avances de l'occupant nazi. La carrière des deux stars est à un tournant, ils ne sont plus de jeunes premiers. Elle a quarante ans, lui trois ans de moins. Hollywood ne leur ouvre pas vraiment les portes. Depuis trois ans, les films de Marlène peinent à faire recette. On n'hésite pas à affirmer que pour le box-office, elle est un poison mortel. Alors elle s'est trouvé une autre occupation. L'Allemande antinazie joue le rôle de guide pour les exilés d'Europe. Elle fait engager ses amis allemands à la Fox, et soutient également les acteurs et metteurs en scène français comme Jean-Pierre Aumont, Jean Renoir, René Clair, Julien Duvivier.

Marlène présente Gabin à son ami Hemingway. Elle lui parle de sa rencontre avec l'auteur de « Pour qui sonne le glas », lui confie que leur amour est « pur et platonique ». Elle lui dit aussi qu'elle est la première lectrice de ses manuscrits. Et Hemingway de confirmer : « J'estime plus son opinion que celle des professeurs, car je crois que Marlène en sait davantage sur l'amour que quiconque. » Jean Gabin s'étonne de son maniement parfait de la langue de Molière. Marlène lui explique qu'elle avait une gouvernante française et que, plus tard, son institutrice, dont d'ailleurs elle était tombée amoureuse, était également d'origine française.

C'est ainsi que Jean Gabin entre dans le clan de la Dietrich, toujours entourée de plusieurs hommes ou de femmes. Rudi Sieber, son mari en titre, Josef Von Sternberg, son ancien metteur en scène et ancien amant, en sont les membres les plus fidèles. Erich Maria Remarque vient de céder sa place à la milliardaire britannique et ouvertement lesbienne (elle fut aussi l’amante de Greta Garbo) Joe Castairs (1900-1993), remplacée à son tour par James Stewart !

Jean ne l'entend pas de cette oreille. Il veut Marlène pour lui tout seul, il ne partage pas ! Il veut un chez-lui ou, mieux, un chez-eux. Et Marlène, amoureuse, leur trouve une maison. Il emménage avec elle en Californie dans une villa, que Greta Garbo leur loue, puis dans une villa de Beverly Hills.

Elle écrit à son mari (qui est aussi son agent et son confident) : « Je me cramponne à lui mais aussi à ma dernière chance d’être une vraie femme. J’ai promis à Jean de le rendre heureux pour toujours. Je devrais en être capable, avec tous mes talents… »

Gabin ayant le mal du pays, Marlène Dietrich se transforme, pour « son homme », en ménagère et femme d’intérieur : loin de son image de vamp mythique, l'actrice révèle également un réel talent de cuisinière !

Gabin sera le seul de ses amants auquel elle laissera espérer le mariage. Les deux acteurs ont une liaison passionnée, alors que Gabin est encore marié à Jeanne Mauchain, demeurée en France. Le divorce sera prononcé en 1943 aux torts « entiers et reconnus » de l'acteur.

Ils se retrouveront quelques semaines à Paris, où ils rêvent de s’installer, en novembre 1944, avant de repartir au front tous les deux. Il est désormais chef de char de la division Leclerc, et il va affronter encore les forces ennemies. A l’été 1945, la guerre est enfin finie. Marlène lui écrit depuis les Etats-Unis : « Si tu es gentil avec moi je resterai avec toi toute ma vie. Mariés ou pas, comme tu voudras. Mais si tu veux un , mieux vaut se marier… » Elle débarque en septembre 1945 avec sa garde-robe, des cigarettes et du café. Gabin est nerveux, irritable.

Elle tourne avec Gabin un film, « Martin Roumagnac » (1946). S'il reçoit un succès en salles, le film n'est pas apprécié par la critique français. Les amants se quittent à la fin du tournage. Ils ne se reverront plus.

L’ombrageux Gabin a compris qu’elle n’abandonnerait jamais sa carrière hollywoodienne. Confrontée à des problèmes financiers, Marlène cherche en effet à décrocher un contrat à Hollywood et veut persuader Jean d'en faire autant. Lui, qui déteste l'Amérique, campe sur ses positions : « Ou tu restes avec moi, ou c'est fini entre nous », lui dit-il. Le couple se fissure. Pendant que Marlène tourne dans « Golden Earring » à Hollywood, Gabin ronge son frein à Paris. Il ne croit plus que sa « grande » divorcera un jour de Rudi Sieber. Marlène n’a pas voulu renoncer à sa liberté, même pour le beau Gabin ! Et d’autant qu’elle ne supporte pas sa jalousie. Elle aime Jean, mais ne peut se passer d’autres amants.

Jean n'ignore rien des extravagances libertines de Marlène à Hollywood. Lorsque Marlène revient à Paris, Jean multiplie les ruses pour ne pas la rencontrer. C'est l'été 1947. Marlène est toujours amoureuse. Pendant longtemps encore, elle essaiera en vain de voir son ex-amant.

Gabin entretient de son côté des relations éphémères, relatées par la presse à sensation, avec d’autres actrices Maria Mauban (1924-2014), Martine Carol (1920-1967) puis, en 1947, avec Colette Mars (1916-1995), avant d’épouser Christiane Fournier (1918-2002), mannequin de la maison de couture Lanvin. Gabin écrit à Marlène une lettre d’une infinie tristesse, et d’une grande dignité, mais il a refusé de la revoir. Marlène ne s’en consolera jamais. A plusieurs reprises elle tentera de le contacter. En vain.

Un soir de mai 1949, Marlène se rend à La Vie parisienne, au 12, rue Sainte-Anne, à Paris. Par hasard, Jean Gabin et son épouse s'y trouvent aussi. Jean le bourru n'a ni un regard ni un mot pour « son ex ». Ulcérée, elle quitte le restaurant en passant derrière la chaise de Jean qui ne bouge pas. C'est la fin de leur histoire d'amour, commencée un soir de juillet 1941 au cabaret de La Vie parisienne à New York. Née dans la guerre, l'union des deux monstres sacrés n’a pas survécu à la paix.

FIN DE CARRIERE DANS LE MUSIC-HALL

Marlène se consolera par la suite dans les bras d’autres hommes : le champion de baseball et futur mari de Marylin Monroe, Joe Di Maggio (1914-1999), l’acteur britannique Michael Wilding (1912-1978), Yul Briner, et même le réalisateur Fritz Lang (1890-1976), avec qui ses relations professionnelles étaient pourtant détestables.

Ayant atteint la cinquantaine, mais toujours séduisante, elle voit cependant Elisabeth Taylor lui « piquer » Michael Wilding.

Alors que ses rôles au cinéma se font moins nombreux, mais aussi parce qu’elle est la cible du maccarthysme qui sévit à Hollywood, Marlène se tourne vers la radio puis vers le music-hall, faisant le tour du monde avec son tour de chant entre 1953 et 1975.

Marlène fait une apparition remarquée en 1953 dans un gala au profit des s handicapés au Madison Square Garden à New York, vêtue de l'uniforme de Monsieur Loyal en minishort (une tenue dont elle revendiquera plus tard l’invention. Cette prestation lui sert de tremplin pour monter son propre spectacle de cabaret à Las Vegas. Pour 30 000 dollars par semaine, elle monte pour la première fois le 15 décembre 1953 sur la scène du night-club du Sahara Hotel, vêtue d'un fourreau semé d'étoiles de strass.

Pierre Lunel écrit : « Cuisses gainées de bas, chapeautée, fume-cigarette au coin des lèvres, la star quinquagénaire n’en finit pas de conquérir son public ». Et les hommes : outre Yul, qui est toujours, se succèdent dans son lit Frank Sinatra, Noël Coward, Jack Lemmon.

Accompagnée par son dernier amant en date, l'arrangeur Burt Bacharach qui avait 27 ans de moins qu’elle, Dietrich transporte son tour de chant sur les scènes du monde entier, à partir de 1960 en Europe, et à l'été en Israël où elle chante en allemand et a droit à une standing-ovation. Elle se produit sur le continent américain et en URSS en 1964. Lors de ces tours de chants, elle tente de faire revivre la Marlène déjà mythique, cette femme immortalisée dans L'Ange bleu.

Lorsque Burt Bacharach la quitte en 1965, elle songe dans un premier temps à abandonner les récitals. Elle continue pourtant et triomphe à Broadway en 1967, obtenant un spécial Tony Award pour sa prestation l'année suivante. Une chute juste avant d'entrer en scène à l'opéra de Sydney, en 1975, se fracturant le col du fémur, met un terme définitif à sa carrière de music-hall.

Pour protéger son image, elle passera les dernières années de sa vie recluse dans son appartement de l’avenue Montaigne, juste en face de la chambre du Plazza où elle et Gabin avaient été heureux à l’automne 1944. Il y a quelque chose de poignant dans cette fin de vie solitaire d’une femme qui fut tant désirée, dans cet effacement total de celle qui fut la star ultime.

L’Ange bleu repose à Berlin, sa terre natale.

UNE ICONE

Marlène était attirante, captivante, obsédante, mais inaccessible. Comme l’a raconté sa fille, Maria Riva, dans le livre «Marlène Dietrich par sa fille», « l’ange bleu » se comportait «comme si elle était seule sur une île déserte, et fumait tranquillement sa cigarette». Tout le monde l’observait, fasciné. Tout le monde voulait l’approcher, envoûté. Tout le monde était subjugué, mais elle faisait comme si de rien était. Marlène Dietrich a, toute sa vie, cultivé le mystère.

Avec ses rôles de femme fatale, avec ses longs cils, son visage gracile et sa chevelure blonde ondulée, Marlène Dietrich fascinait et fascine toujours. Grâce à son succès indéniable et à sa beauté indiscutable, elle restera comme Audrey Hepburn, Marilyn Monroe ou encore Elizabeth Taylor une actrice de légende.

Marlène Dietrich jouait sur plusieurs tableaux, flirtant autant avec les hommes que les femmes. Et se laissait courtiser de tous !

Icône de beauté, Marlène Dietrich n’a pas supporté de vieillir, alors que dans les années 40, elle était le fantasme de tous les soldats américains et britanniques, pour qui elle chantait pendant la guerre, qu’elle était le fantasme de tous les hommes ayant vu «Kismet» sorti en 1944, dans lequel elle montre ses jambes, peintes en or.

Synonyme de séduction et de liberté, Marlène Dietrich appartient au cercle restreint des plus grandes icônes du 20e siècle. Elle était une femme libre qui connaît son pouvoir sur les hommes et les femmes.

Marlène Dietrich a toujours vécu librement et tenait à le faire savoir. Elle a réussi à imposer cette volonté à Hollywood et au monde entier. Son image et son jeu, où respiraient l’érotisme et la sensualité, auront inspiré nombre d’artistes, de designers de mode, en plus de devenir une référence au cinéma et dans la publicité.

J’ai fait le choix de suivre Pierre Lunel et d’évoquer toutes les liaisons, amants et maîtresses de Marlène, y compris celles qu’on lui a attribuées, car, dans ce domaine aussi, se vérifie l’adage « on ne prête qu’aux riches ».

De ce fait, Marlène Dietrich peut être qualifiée de grande amoureuse, de sensuelle, voir d’hypersexuelle. Elle avait donc naturellement toute sa place dans cette série historique sur les « grandes libertines », où je m’efforce de décrire les faits et gestes de mes personnages, de les si dans leur contexte, de tenter de les expliquer. Cela ne m’empêche pas d’avoir mes antipathies comme mes préférences. Chacun aura donc compris mon affection et mon admiration pour Marlène, que je qualifierai de grande dame.

PRINCIPALES SOURCES :

Marlène Dietrich fait l’objet d’un chapitre du livre de Pierre Lunel « Polissonnes » (Editions du Rocher 2016) auquel je me suis souvent référée. Ce chapitre, qui figure pages 239-254 du livre, s’intitule : « Marlène, une Lily d’amour à l’étole de vison »

Je signale aussi la dernière en date des biographies qui lui sont consacrées, celle de l’historien Jean-Paul Bled «Marlène Dietrich, La scandaleuse de Berlin» (Perrin, 2019)

Outre l’article Wikipédia dont je me suis inspirée, je renvoie également au lien suivant sur le net : http://nezumi.dumousseau.free.fr/dietrich.htm

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